jeudi 2 août 2012

"Diminue la douleur de la distance"

Un jour, j'ai poussé la porte où était inscrit " Diminue la douleur de la distance", et je suis entré dans une salle du palais de la mémoire. Il y avait partout des livres vivants. Entre mille autres de ces livres vivants j'ai choisi d'explorer la douleur de l'absence d'un être aimé. Il m'est aussitôt apparu que cette douleur était une maladie guérissable. Je me suis aventuré plus avant dans la salle. Entre mille autres voix, j'ai entendu ceci : " Plutôt que de t'enfermer dans le chagrin ou l'indifférence, cultive les sensations que l'être aimé a laissées en toi, redonne vie, dans tes dedans, à la tendresse, à la douceur. Si tu revivifies ces instants de bonheur passés, si tu les aides à pousser, à s'épanouir, à envahir ton être, la distance peu à peu se réduira, la douleur peu à peu s'estompera. Tu peux recréer ce que l'oubli a usé.". Je me suis émerveillé de ce pouvoir et de mes capacités à explorer cette vaste bibliothèque que j'avais en moi. Alors, j'ai choisi, entre mille choses, une journée d'amour éblouissante et douce. Elle était là, elle n'avait jamais servi à personne. Je suis entré dedans. Ses couleurs, ses senteurs, sa foisonnante plénitude se sont aussitôt ranimées. J'ai pensé : " Pourquoi ne ferais-je pas de ce jour-là, de temps en temps, ma prière du matin ?" Et soudain m'est venu : " Cette jubilation, cette gloire innocente, si c'était Dieu ?" Il y avait aussi cette question, cet emportement du cœur, entre mille autres choses, derrière la porte où était inscrit : "Diminue la douleur de la distance !".


Henri Gougaud : Les sept plumes de l'aigle

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